Au pays de Zlatan, d’Ikea et du Krisprolls (quelques clichés bien lourds sur la Suède pour démarrer), la parité homme-femme est au cœur des revendications sociétales.

À tel point que se développe un type d’éducation où le genre humain n’a plus sa place, où le sexe d’un enfant peut être tenu secret pour préserver, un temps, l’égalité homme-femme. Décryptage d’un phénomène qui prend de l’ampleur. Et qui arrive doucement en France.

D’abord il y a Pop, un enfant suédois dont les parents ont décidé de ne pas annoncer le sexe à la naissance, provoquant d’abord incrédulité puis indignation autour d’eux et à travers la Suède, l’Europe, et Internet. Autant dire que le couple n’a pas envoyé à ses proches un faire-part de naissance traditionnel, bleu pour un garçon, rose pour une fille, car même Pop, l’ange suédois, ne sait pas s’il est garçon ou fille. Il le découvrira par lui-même, tôt ou tard. Ce sera « son choix », et il évitera ainsi de grandir dans « un moule d’un genre spécifique » selon les mots des parents.

Ces même parents ont décidé de ne travailler qu’à mi-temps pour élever Pop sans passer par la case école maternelle. Démarche tout à fait honorable mais justifiée par la peur de voir leur enfant ressentir et surtout intégrer les clichés sexistes de la société, donc la société elle-même. Pop apprend donc en fonction de sa curiosité au quotidien, porte les vêtements de son choix, robe ou pantalon selon son humeur, aime le violet (le mauve est la couleur des féministes depuis le 19e siècle, au passage), laisse ou non pousser ses cheveux à sa guise. Il est libre Pop, psychologiquement asexué mais libre, et il y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler…

Egalia, la crèche de la Théorie du Genre

La connexion aurait pu se faire entre cette famille suédoise et la crèche Egalia, dans le quartier bobo de Södermalm à Stockholm. On y pratique une expérience similaire, la neutralité du genre, pour lutter contre les inégalités homme-femme, ou plutôt les différences homme-femme.

Pas de garçons, ni de filles dans cette crèche, mais des “amis”. Surtout, une crèche où s’utilise le nouveau pronom neutre suédois « hen », officialisé par le très sérieux Conseil de la Langue en Suède, et qui vient supplanter « han » (il) et « hon » (elle), sans classification par genre. Ce même Conseil de la Langue qui a introduit, au passage, en décembre dernier, le verbe “Zlataner”, dans la langue suédoise, en hommage au footballeur Zlatan Ibrahimovic. Le verbe signifie grossièrement “dominer, se charger de quelque chose avec vigueur”. Pas du tout sexiste n’est-ce pas ? Bref.

Dans cette crèche, on ne « nie pas l’existence du sexe biologique de l’enfant. Nous disons seulement que nous sommes tous des individus très différents et que les enfants ne doivent pas se sentir limités par leur genre » comme le souligne la directrice de l’établissement. Petit garçon, petite fille, même combat ? Le résultat positif escompté sera t-il à la hauteur du projet ? Toujours est-il que la liste d’attente pour inscrire son bébé dans cette crèche est de plus en plus longue.

Egalia fait des émules …en France

Dans l’Hexagone, le concept a déjà pris racine. Bourdarias, la crèche modèle de Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis, est une « Egalia » à la sauce française, donc allégée. Basé sur le modèle suédois, cet établissement fait tout pour supprimer les clichés sexistes, mais n’insiste pas de la même manière sur l’effacement des genres humains. Cette initiative unique en France est aujourd’hui soutenue par la Ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, qui espère multiplier ce genre de crèche et à terme, appliquer cette démarche « naturelle » dans l’ensemble des établissements d’éveil du pays. Merveilleux monde rêvé par bon nombre de mouvements féministes. Mais quel résultat concret pour lutter contre les inégalités homme-femme ? Seul l’avenir nous le dira.